Sans vouloir nécessairement les opposer, les deux corps de métiers que son l’architecture et l’ingénierie, ont suivi de nombreuses évolutions dans le temps tout en se réservant un développement autonome l’un par rapport à l’autre.
L’ingénierie (qui désigne l’activité scientifique et rigoureuse de conceptualisation et de réalisation des ouvrages d’art fonctionnels) est à l’empirisme ce que l’architecture (qui désigne plutôt l'art de concevoir des espaces couverts et de construire des édifices) est à l’esthétique.
Avec le temps, les techniques modernes ont introduit de façon nécessaire et inévitable des contraintes fortes en matière architecturale mais cependant une constante a toujours été de mise : « l’architecture se caractérise par une intentionnalité établie dans le « projet » lequel se définit en des plans, des représentations symboliques diverses qui lui font intégrer temps de construction et d’usage… Aussi, cet effort conscient et préalable propre à la conception architecturale a-t-il pour objectif de concilier l’utilité, la beauté et la solidité de formes, d’espaces et de structures (habitées ou non). [1] »
Une Révolution en marche ?
L’Ecole des Mines d’Alès a souhaité innover en créant une formation diplomante intégrant une bi-compétence en partenariat avec L’Université de Liège[2].
Les Etudiants, élèves ingénieurs, suivront un cursus d’une durée 4 ans en ingénierie complété par 3 années en Belgique pour y recevoir un enseignement en architecture.
On pourrait s’étonner de voir l’ingénierie se rapprocher de l’architecture, mais il est plus intéressant de se poser la question du pourquoi.
Les ingénieurs doivent pouvoir être en mesure de comprendre l’architecture dans ces multiples facettes (Esthétique et Conceptuelle – maîtrise des espaces, et des flux de circulation).
Au lieu d’appréhender seulement les contraintes techniques, ils doivent être en mesure de s’approprier ces deux autres dimensions. Comprendre l’œuvre d’un architecte, c’est poser le principe du respect de son art et l’ingénieur sera alors en mesure de proposer des solutions de contournement techniques plus aisément pour concilier art et ingénierie. L’ingénieur-architecte devient le médiateur entre ces deux métiers.
Evolution en trois étapes
Les règles de construction des ouvrages du bâtiment ont conduit à faire travailler les bureaux d’étude et les architectes ensembles. Mais la réconciliation des informations, incombant à chacun des corps de métiers, traduit la nécessité d’une interpénétration des compétences.
Enrichissement des équipes architecturales
Cette première approche, comprise assez rapidement par les cabinets d’architecture, a conduit à l’insertion dans les équipes d’architectes, d’ingénieurs. Aujourd’hui le regain de présence des ingénieurs au sein des cabinets est aussi mis en avant par la nécessité de respecter les normes environnementales qui constituent l’un des fers de lances des constructions de demain ; à la création s’ajoute une nouvelle contrainte.
L’émergence d’une nouvelle approche de l’architecture s’est faite jours puisqu’il a fallu considérer tour à tour la conception de l’ouvrage non pas seulement dans une dimension esthétique, utile, encadré techniquement mais aussi incluant des données nouvelles en matière de coût, de qualité et de délais.
L’appréhension du temps dans sa composante plurielle a fortement impactée le Design Architectural de telle sorte que ne pas faire travailler ensemble bureau d’étude et Architecte devient stupide. Mais la conciliation du planning avec le Design, aussi facile qu’on puisse l’imaginer reste difficile à mettre en œuvre.
Le progrès technologique
La visualisation en 2D a longtemps obligé les ingénieurs à mettre au point des techniques de repérage sur les plans pour y associer le planning.
Au delà des erreurs de lecture des plans, d’interprétation, de repérage et autres difficultés liées à la représentation, la frustration liée à l’incapacité de faire partager la vision du temps et de l’espace à tous les intervenants d’un projet, a renforcé le cloisonnement des professions.
L’amélioration des systèmes d’information générant de la 3D a apporté son lot d’éclaircissement mais sans totalement résoudre la question car sans le réduire à sa plus simple expression, nous sommes passés du pointage papier au pointage sur écran avec des stylos graphiques. Pour autant la réconciliation a continué à être complexe.
La 4D
En associant la visualisation et le planning par le concept de l’image animée en temps réel, la 4D a permis de concrétiser le partage commun de la compréhension d’un planning au fur et à mesure que le séquençage des activités planifiées était matérialisé visuellement par des « briques » de construction qui s’ajoutait pour former l’ouvrage.
La 4D a permis de concevoir la dimension du temps dans un projet de construction, d’en partager une vision commune, d’en concevoir les limites mais aussi d’en optimiser les processus, car la visualisation oblige toutes les parties prenantes dans un projet de construction à prendre en compte ce qui s’impose à la vue de tous, sans concession et sans appréhension.
Dès lors qui est capable de manipuler le logiciel 4D à la croisée du travail d’un ingénieur planificateur et d’un architecte-designer ?
Cette réflexion qui alimente les propos de nombreux auteurs augure de l’approche qu’on doit avoir du logiciel 4D. Outil de visualisation pour les uns, outil de modélisation du temps pour les autres, sa place dans le processus de chaque métier, pour autant qu’elle ait son importance, n’a pas la même place.
Un architecte suivra son talent et ses connaissances pour créer un édifice ; la visualisation du temps réel n’aura pour objectif que de lui permettre une meilleure communication du temps à passer pour la réalisation de l’ouvrage. Cette contrainte du temps n’intervient qu’en termes commercial.
L’ingénieur planificateur, chargé de piloter la performance de la construction afin de livrer dans le délai prévu en surveillant le budget alloué et la fourniture des ressources considèrera que la visualisation 3D attachée à son planning offrira une meilleure compréhension de ses interlocuteurs profanes qui prendront la mesure d’un retard ou d’un avancement du projet.
L’investissement en capital humain
Cette maxime de bon sens nous ramène à la réflexion contemporaine de nos pédagogues.
L’inclination d’un ingénieur à concevoir que l’architecture n’est que la dimension du réel appréhendé par l’artiste dans un cadre restreint par la technique lui permet, s’il a reçu l’instruction des deux corps de métiers, de s’en tenir à la frontière de ses deux mondes en puisant dans chacun le meilleur de ce qu’il est possible.
Former nos élites à cette conception est le fruit d’un certain retour sur soi et sur ses expériences vis à vis de la notion d’Edification.
En effet, il n’y a pas encore si longtemps[4], un architecte concevait mais aussi réalisait. Il était maître du chantier au sens premier du terme. Capable de corriger les plans, il édifiait, construisait et façonnait de ses mains.
Alors un architecte-ingénieur, ou un ingénieur-architecte, est le gage d’une nouvelle profession avec tout l’avenir devant soi.
La contrainte d’organisation :
Face à cette situation, une vigilance reste de mise car avoir l’outil et former son personnel ne suffit pas. Encore faut-il que l’entreprise dispose d’un cadre d’exercice adéquat pour faire en sorte que cet ingénieur-architecte trouve sa place dans l’organisation.
La mise en place des processus nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise restera la prochaine étape afin de parfaire l’édifice en construction.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire