PRIMAFRANCE

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mardi 14 mai 2013

PETROCHIMIE & 4D

la Société TOTAL en la personne de Monsieur Philippe GUILBAUD a répondu à notre interview 4D.

A l'occasion d'un projet pilote 4D, Monsieur GUILBAUD fait le tour en 10 réponses  illustrées des apports de cette technologie dans le domaine de l'industrie pétrolière (exploration/production - pétrochimie/marketing) .

Cet article est reproduit intégralement en français. Une version anglaise suivra pour  nos amis non francophone.

Quelle est votre définition de la 4D ?
C’est l’association des 3 dimensions spatiales et du temps. Le terme s’applique, à mon sens, à diverses réalités, évidemment à des données géographiques, relatives à des objets positionnés dans l’espace à un instant t, mais aussi à des techniques d’acquisition, de traitement ou d’interprétation de ces données géographiques et par extension à tous les composants d’un Système de Gestion de Base de Données : logiciels, architectures informatiques, procédures, etc.…

Comment avez-vous découvert la 4D ?
Au cours de ma formation d’ingénieur Topographe. L’une des applications de la topographie concerne par exemple la surveillance des ouvrages d’art (barrage, tunnel, etc…), on parle alors de métrologie. Le principe consiste  à effectuer des relevés topographiques très précis et régulièrement, d’en déduire les déformations d’un relevé à l’autre et de vérifier que ces déformations sont conformes aux estimations ou à la réglementation. 

L’interférométrie est une autre technique permettant la détection de déformations dans le temps. Elle est par contre utilisée le plus souvent pour détecter des mouvements de terrain en surface, liés par exemple à l’exploitation d’une mine ou d’un champ pétrolifère à terre ou à des phénomènes naturels comme des glissements de terrain très lents ou une activité volcanique. De plus, l’interférométrie se base sur l’analyse d’images satellite radar prises à quelques semaines ou mois d’intervalle.

Comment imaginez-vous l’application de la 4D à votre industrie et en particulier à votre métier ?
A vrai dire, je ne l’imagine pas, les applications sont déjà réelles et nombreuses. Lorsque j’ai intégré Total, j’ai retrouvé une application de la métrologie dans le cadre de la surveillance des bacs de stockage d’hydrocarbure. Les parois de ces bacs sont soumises à de très légères déformations au cours de leur construction notamment. Plusieurs relevés topographiques sont effectués au cours de la construction et des différents tests de remplissage, les déformations sont alors mises en évidence à l’aide de logiciels spécifiques puis analysées par un spécialiste en génie civil (figure1).

Figure1 : relevé topographique sur un bac de stockage à l’aide d’un théodolite – rendu 3D des déformations apparues entre 2 relevés.


J’ai découvert depuis au sein de Total d’autres applications 4D dans d’autres métiers. La géologie ou la géophysique sont aussi des champs d’applications pour la 4D. Je pense notamment aux acquisitions sismiques 4D. Une acquisition sismique traditionnelle nous permet d’imager le sous-sol et déterminer la présence ou non d’hydrocarbures ainsi que leurs caractéristiques, et ce avant la mise en production. La sismique 4D consiste quant à elle en une série d’acquisitions sismiques à intervalles réguliers une fois que l’exploitation des hydrocarbures a débuté. Cela nous permet de suivre l’évolution du mouvement des fluides (huile, gaz et eau) au sein des couches géologiques et d’adapter les techniques d’extraction afin d’optimiser la récupération des réserves (figure 2).

Figure 2 : principe d’une acquisition sismique en mer – cube 3D de données sismique 



Au sein du projet CLOV, j’ai pu côtoyer des spécialistes en ingénierie offshore qui prennent en compte la 4D pour le dimensionnement des futures installations en mer : structures flottantes,  lignes d’ancrages, canalisations flexibles reliant le fond et la surface (figure 4). Ces structures seront constamment en mouvement à cause de la houle notamment, et leur dimensionnement se fait grâce à des simulateurs qui prennent en compte les conditions océanographiques extrêmes.
Enfin et surtout, nous avons souhaité pour CLOV améliorer la planification des opérations offshore et en particulier la détection des interférences entre rigs de forage et barges d’installation des structures et canalisations sous-marines. Nous avons pour cela testé différents logiciels du marché dont Synchro (figure 3).
Figure 3 : intégration des données géographiques et du planning CLOV dans un projet Synchro


 Au final, nous n’avons par retenu Synchro, ses fonctionnalités ont été très appréciées mais nous avons privilégié la mise en place d’une interface entre 2 outils déjà largement déployés dans le Groupe : Primavera et notre Système d’Information Géographique GEOPS.
J’ai bien d’autres exemples en tête, comme le suivi du littoral soumis à l’érosion, l’évolution de l’occupation du sol à partir de photos satellites. Le produit final se présente le plus souvent sous forme de cartes en 2D et dynamique, mais l’altimétrie est toujours prise en compte dans le traitement et l’analyse des données, il s’agit donc pour moi pleinement d’applications de la 4D.

Quels sont selon vous les bénéfices de la 4D pour votre secteur ?
Ils sont multiples. Dans le cadre de la métrologie, il s’agit de répondre à des obligations réglementaires qui touchent à la sécurité de nos installations industrielles. La sécurité est un objectif indissociable de nos activités et la 4D un outil supplémentaire pour y répondre. Au sein du projet CLOV, la volonté d’anticiper et de minimiser les interférences entre rigs de forage et barges d’installation, et donc les situations à risques, va dans ce sens.

Au delà de la sécurité, il s’agit également d’affiner la connaissance, la compréhension de nos données et des objets s’y rapportant, ceci afin d’adapter, d’optimiser nos processus, nos techniques, comme en témoigne l’utilisation de la 4D dans l’exploitation des champs d’hydrocarbures évoquée plus tôt, ou dans le dimensionnement des structures offshore. La 4D est un critère, un outil d’aide à la décision devenu très  important dans certains de nos processus. En fait, tout est soumis aux mouvements, aux changements, ce qui occasionne une nécessité de surveillance. Même ce que l’on considérait comme fixe à jamais il y peu encore, comme le niveau moyen des mers par exemple, utilisé pour nos référentiels verticaux, est en fait soumis à la montée des océans, en cause probablement le réchauffement climatique. A défaut d’impacter nos activités de façon critique, nous suivons tout de même le phénomène de très près.

Enfin, le bénéfice peut aussi être évidemment d’ordre financier, c’est surtout vrai pour la planification des opérations offshore dont les coûts journaliers s’élèvent à plusieurs centaines de milliers de dollars par supports. 

Voyez-vous des obstacles à son utilisation (maintenant et dans le futur) ?
Oui, malgré le développement de logiciels toujours plus sophistiqués, c’est une approche qui peut être complexe et qui doit être mise en place avec de la rigueur afin qu’elle soit pertinente. En particulier, la 4D nécessite une approche transverse, c'est-à-dire l’implication de 2 métiers, celui de la cartographie, ou du dessin industrielle et celui de la planification, dans le cadre de son application sur CLOV par exemple.

Les 2 parties doivent contrôler soigneusement la qualité de leurs données respectives. De plus, l’association entre les données géographiques et les données métiers (les tâches d’un planning par exemple) est loin d’être facile, elle nécessite de faire des choix, donc une très bonne coopération entre les métiers impactés. Cette transversalité entre métiers n’est pas toujours facile à mettre en place ou à pérenniser.

Quelle est votre vision de la 4D dans le futur ?
Une prise en compte accrue voire systématique de la 4D dans nos activités et des outils plus performants. Je pense que tous nos métiers travaillant avec des données géographiques ont conscience de l’importance de suivre, de surveiller l’évolution de ces données dans le temps. Ce suivi est déjà mise en place dans les domaines les plus importants, c’est le cas, on la vu précédemment, pour la sécurité, la géophysique ou la planification, mais il pourrait être systématisé à  l’avenir pour l’ensemble de nos données géographiques sans que cela nécessite un effort trop important. L’autre évolution concerne les outils qui vont devoir mieux intégrer la 4D. Je pense que nous privilégierons le développement de module permettant d’interfacer les différents systèmes d’informations déjà déployés dans le groupe: SAP, Primavera, SIG, etc.,  plutôt que la création d’applications nouvelles et indépendantes.

Est-ce que selon vous la 4D va durablement impacter les métiers de planificateur et d’ingénieur de bureau d’étude ?
Il faudrait interviewer mes collègues du planning mais les côtoyant depuis plusieurs mois, je sais que l’attente est grande. La gestion des interférences lors des opérations offshore était jusqu’ici effectuée d’une façon plus ou moins manuelle. Nous avons voulu pour CLOV automatiser certaines opérations. Le système que nous avons adopté est très apprécié par nos ingénieurs planning mais le processus devra être amélioré pour les prochains projets.

La 4D = 3D + le temps : Comment voyez-vous l’ajout d’autres dimensions (le coût appelé 5D/ l’approvisionnement 6D/ la gestion du cycle de vie 7D…) ?
C’est une étape nécessaire pour répondre à des objectifs d’optimisation. Là encore, il y a quelques exemples d’application au sein de Total notamment dans les branches ou filiales « Amont » du raffinage et de la distribution. Des outils  d’optimisation des chaines logistiques basés sur des solveurs et des algorithmes mathématiques très complexes ont été étudiés notamment pour l’approvisionnement et la distribution: optimisation de la « Supply Chain » pour les usines de lubrifiants, optimisation de la distribution des carburants, du fioul, des zones de chalandises…
C’était aussi l’un de nos objectifs pour CLOV, à savoir re-planifier une ou plusieurs activités, après avoir  identifié une interférence entre elles, en prenant en compte les coûts journaliers des supports offshore et certaines caractéristiques techniques. Nous avons abandonné cet objectif faute de données fiables pour alimenter un éventuel programme d’optimisation et parce que les variables que l’on maîtrise réellement sont en fait très limitées. Mais cela reste un objectif à moyen terme, peut être plus dans le cadre de la préparation et de la simulation de campagnes offshores que dans leur gestion opérationnel au quotidien.

Si vous deviez résumer la 4D pour vous ce serait quoi ? La gestion et l’analyse de l’évolution d’entités à la fois dans l’espace et dans le temps, bref un peu l’histoire de la vie…

Le Projet CLOV 
Acronyme de 4 champs d’hydrocarbures : Cravo, Lirio, Orquidea et Violetta, découverts entre 1998 et 2006 et situées dans l’offshore Angolais. Situées par des profondeurs d’eau variant entre 1000m et 1400m, les futures installations sous marines, opérées par Total E&P Angola, seront composées de 34 puits producteurs d’huile et injecteurs d’eau, 8 manifolds qui alimenteront 2 boucles de production dont l’une sera équipée d’un système de pompes multiphasiques. Ces 2 boucles seront connectées par l’intermédiaire de 2 tours riser à un FPSO (unité flottante de production, de traitement et de stockage) d’une capacité de traitement de 160 000 barils par jours. L’huile sera exportée vers des tankers via une bouée de chargement et le gaz vers l’usine de liquéfaction Angola LNG par un pipeline sous-marin. Comme tous les Projets de développements « grand fonds », CLOV doit faire face à de nombreux défis technologiques et humains au cours de 4 phases principales : l’ingénierie, la construction, l’installation et la mise en production. Pour y répondre, Total mobilise une équipe multidisciplinaire ayant pour objectif de contrôler les délais, coûts, qualité et risques liés à ces étapes, et de veiller au respect d’objectifs élevés en HSE, en développements local et durable.














La Rédaction 



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